Qui fait quoi à qui ? Les transferts - Cordel n°52
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Qui fait quoi à qui ? Ou les transferts
**Une découverte fondamentale dès le début de la psychanalyse
Avec l’identification de l’inconscient, la notion de transfert est une découverte fondamentale de Sigmund Freud. Il a mis à jour que le patient transfère sur le thérapeute des sentiments qu’il a vécus autrefois envers son père, sa mère, les personnages de son entourage, sentiments d’amour, de haine…. Pour Freud, ce sera un moyen de comprendre et de résoudre les conflits psychiques. Il s’agissait pour l’analyste de se mettre à distance, d’être dans une « neutralité bienveillante ».
Mais un de ses jeunes contemporains, Sandor Ferenczi, lui, a identifié que non seulement le patient transférait des sentiments, mais le thérapeute aussi était pris dans des affects qui le mobilisaient lui aussi, dans un « contre transfert ». Et que ce mouvement psychique faisait partie du travail psychanalytique. Il a même essayé pendant une période l’ « analyse mutuelle » où, chacun son tour, l’analyste et le patient échangeaient leur place et analysaient l’autre. Cela n’a pas duré longtemps, car cela posait trop de problèmes.
**Le théâtre du « qui fait quoi à qui ? » et les 4 transferts
A la suite de Ferenczi et de ceux qui se sont attelés au soin des patients psychotiques, Pierre Delaunay a proposé d’analyser les moments transférentiels comme un temps primordial.
« Qu’est-ce qui se passe entre les deux ? Qu’est ce que l’un fait à l’autre en s’adressant à lui ? Et aussi : comment l’autre réagit-il ? C’est cela qui se répète avec la rigueur d’un automatisme, sauf à ce que les réactions du psychanalyste soient nouvelles dans la rencontre. »
« L’interprétation doit ensuite répondre à la question : qui a fait ça, en le disant à qui ? »
P. Delaunay a alors repéré 4 modalités de transfert :
le transfert direct : on répète, on fait à l’analyste ce qu’on a déjà fait à un autre. On imagine qu’il nous fait ce que cet autre nous a déjà fait. On s’occupe de l’analyste comme on s’est occupé de cet autre.
le transfert provoqué : l’analyste tend à faire à l’analysant ce qu’un autre lui a déjà fait, à lui, analysant. L’analysant se fait faire ce qu’on lui a déjà fait. C’est un phénomène bien connu des éducateurs ou des infirmiers psychiatriques qui sont moins sujets à la dénégation que les psychiatres. Ferenczi en parlait déjà : « le psychanalyste, agent des pompes funèbres. » « Quelle que soit sa bonne volonté, le psychanalyste est destiné à répéter le crime. On peut au moins attendre qu’il le reconnaisse. »
le transfert inversé : c’est une généralisation de l’ « identification à l’agresseur » : on fait à l’autre ce qu’on nous a déjà fait. Autrement dit, l’analysant se comporte comme l’adulte, il traite l’analyste comme on l’avait traité autrefois quand il était enfant. Avec les mêmes techniques souvent affolantes. L’analyste pourrait être tenté de résister à cette maltraitance, à ces passages à l’acte, et d’accuser l’analysant, alors qu’il serait utile de discerner la répétition d’une maltraitance. Il s’agit, au contraire, de considérer que le ressenti de l’analyste ( sa révolte, sa colère, son sentiment d’être maltraité ) est une manière pour l’analyste d’accéder au ressenti de l’analysant enfant.
le transfert interne : on se fait à soi-même ce qu’on nous a déjà fait. On se nomme comme on a été nommé. On se porte comme on a été porté. Alors, ça continue si l’on n’est pas assez créatif pour inventer autre chose. Cela constitue souvent des situations très difficiles.
**Le levier du contre transfert
Searles, Benedetti, par exemple, s’attachent à identifier ce que ressent le psychanalyste, à condition qu’il se soit engagé dans la relation, rendu disponible, à l’écoute du vécu du patient. Pour eux, le « contretransfert » du thérapeute ne reflète pas un mouvement psychique qui ne dépendrait que de l’analyste, mais serait en résonnance directe avec le ressenti du patient. Le « contretransfert » devient un révélateur, un haut-parleur d’un ressenti caché, occulté, méconnu par le patient lui-même. La question pour l’analyste devient « qu’est-ce que je ressens ? » « Qu’est ce que mon patient me fait vivre à son insu ? » « En quoi cela a-t-il à voir avec son vécu d’autrefois ? »
**Le passage par le corps, l’appareil psychique pour deux
La circulation des ressentis passe par des sensations ( impressions de fatigue, de somnolence, d’abattement, de peur, de sidération, de colère...). De même qu’autrefois l’analysant s’était retrouvé seul, avec un ressenti non nommé, voire innommable, sans témoin pour dire ce qui se passait, l’analyste peut ressentir des sensations qu’il ne comprend pas. Penser que ce sont des sensations anciennes de son analysant et méconnues par lui ouvre alors un espace pour eux deux.
**Citations « Traversé par des orages d’amour et de haine, cherchant tantôt à séduire et à chérir, tantôt à punir et à détruire, chaque homme a dû, dès l’enfance, s’astreindre à naviguer entre les interdits et les impossibles de sa vie… A son insu, des scénarios s’organisent, scènes bouffonnes et scènes tragiques, en quête d’un lieu de représentation et d’action. Le metteur en scène, c’est, bien sûr, le Je lui-même, mais le visage des personnages, l’intrigue comme le dénouement lui sont voilés. » Joyce Mac Dougall, Théâtres du Je « Rappelons la remarque de Harry Sullivan, nous sommes tous, plus que n’importe quoi d’autre, simplement des humains. C’est ce qui se vérifie dans l’exploration des sentiments contre-transférentiels que l’on (le psychothérapeute) découvre en soi en travaillant avec les patients. » Harold Searles, le contre transfert |
![]() Illustration : Hélène Maurel |
Cordel écrit par Elisabeth Maurel-Arrighi, psychanalyste, Collectif Outils du soin, partage de savoirs d’accès libre. Janvier 2018 Cordel n°52 www.outilsdusoin.fr En lien avec les vidéos Psychanalyse et marionnettes sur la répétition épisodes 15 et 16, ainsi que les épisodes sur le transfert épisodes 12,13, et 14 élaborés par Elisabeth Maurel-Arrighi avec Rochelle Monnier-Moricet voir sur Youtube Psychanalyse et marionnettes ou sur le site Outilsdusoin.fr |
cordel : petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accrochés à une corde à linge et vendus dans les marchés . cordel : petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accrochés à une corde à linge et vendus dans les marchés . |
Quand la grammaire
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La question qui fait sésame
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